Autrice / Laure Adler
Lu pour vous par Rose-Lire
La voyageuse de nuit, c’est la vieillesse : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel.
C’est cette citation de La vie de Rancé de Châteaubriand qui a imposé à Laure Adler l’idée de ce titre et le bagage culturel absolument stupéfiant de cette auteure va lui permettre d’écrire un essai qui touchera énormément les vieux mais aussi les plus jeunes, espérons-le.
Elle commence par des constatations sur elle-même, pas du tout tristes pour la plupart comme par exemple de se faire de plus en plus confiance, de voir qu’on a emmagasiné des tas de faits, de lectures, de récits des uns et des autres qui ont rendu une vie si riche.
Puis, elle va puiser dans les auteurs qui, avec elle sont toujours vivants, toutes les narrations et réflexions sur la vieillesse, en particulier Victor Hugo et son art d’être grand-père, Simone de Beauvoir, Flaubert, Marguerite Duras et tant d’autres moins connus, mais aussi le toujours vert Edgar Morin qui, à 98 ans, s’amuse encore de la bêtise inépuisable qu’il constate mais pense que « le pire n’est jamais sûr ».N’oublions pas la scène très proustienne où le narrateur, invité par des amis qu’il n’a pas vus depuis longtemps croit qu’il n’a pas compris qu’il s’agissait d’une soirée masquée avec pour thème la vieillesse. Il est honteux de ne pas s’être déguisé quand tout à coup, il s’aperçoit dans une glace et c’est le choc… !
Tous ces récits, ces allusions de l’Antiquité à nos jours, vont amener à comparer la façon de voir les vieux, autrefois où ils étaient vénérés, dépositaires d’un savoir acquis au fil des ans et actuellement où ils sont rejetés, réduits à l’inutilité, remisés en EHPAD et pesant financièrement aux familles qui avec la Covid ont même des difficultés à aller les voir…
La deuxième partie du livre est profondément humaine avec un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. Elle dit avoir bénéficié de l’éclairage de Françoise Aubenas qui pendant le confinement s’était « emprisonnée » dans une maison de retraite pour étudier la vie des aides-soignants mais lui a ouvert des portes et raconté …
Ce livre m’a beaucoup touchée. Certes, je suis bien concernée, ne le cachons pas mais il parle à tous. Il n’est pas un guide du bien vieillir, dit-elle, mais avec Edgar Morin, son grand copain si jeune, elle laisse entendre (et je la suis tout à fait) que si l’on s’intéresse aux choses, aux autres, à la lecture, au cinéma, à la culture, que l’expérience de l’âge peut conduire à une certaine intensité d’existence.
Vieux peut-être mais bien vivants.
Voici donc un livre salutaire qui sera certainement dans toute bonne bibliothèque.
Comments