Autrice/Delphine Minoui/Lu pour vous par Rose-Lire
Rappelez-vous l'extraordinaire essai de la journaliste d'origine iranienne Delphine Minoui sur les Passeurs de livres de Daraya, déjà commenté sur ce blog.
Cette autrice, spécialiste du Moyen Orient, nous livre des histoires attachantes sur la Turquie avec son Alphabet du silence, entre autres mais découvrons son dernier livre qui nous emmène dans l'Iran archaïque et répressif.
Badjens, c'est le surnom d'une jeune iranienne de 16 ans, Zahra Etimandi, née à Chiraz en 2006. Il signifie l'effrontée, l'espiègle mais aussi littéralement mauvais genre (féminin bien sûr).
Ce roman très poétique commence par le monologue intérieur de Badjens juchée sur une barricade et révoltée comme bien d'autres par la mort de Mahsa Amini causée par la répression des mollahs à cause d'un foulard mal ajusté.
Après ce prologue, nous allons connaître la vie de cette ado dans un monde totalement fermé pour les femmes.
Déjà à sa naissance, et même avant, puisque son grand-père ayant su par l'échographie que c'est une fille veut faire avorter la mère, ce sont les « désolés pour vous » qui forment une litanie en guise de bienvenue...
Et c'est parti pour une vie de l'ombre (mais est-ce une vie là où tout est interdit...)
Certes elle ira à l'école mais sous la férule d'une maîtresse arriérée, frustrée qui évidemment leur impose le voile dès 9 ans en leur expliquant que les cheveux des femmes renferment une étincelle qui aguiche les hommes, les trouble ! L'inconfort de ce hidjab apparaît nettement avec la chaleur, le poids bien sûr mais aussi les sons qui parviennent étouffés et donnent l'impression de perdre l’ouïe...
Mais les petites iraniennes s'entraident, s'affranchissent avec les smartphones et les tubes interdits, les soirées pyjama qui permettent de discuter, s'ouvrir aux autres ...
Un petit frère naîtra ensuite, l'enfant-roi, à qui tout est permis, gâté à outrance, cachant sa sœur sur les photos, élevé dans le mépris des femmes et le droit de tout faire...
Ce livre poème est une merveille qui nous prend et nous surprend à chaque page avec des anecdotes inattendues, la description par petites touches de cette magnifique révolte terriblement réprimée avec pour cri de ralliement « Masha Amini » devenu un mot de passe.
Roman très court, bouleversant, plein de révolte qui peut effrayer à l'heure de la mode aux histoires apaisantes, mais son style est poétique, sobre et ne délaie aucun pathos. Cette lecture est salutaire, hymne à toutes ces femmes qui luttent au risque de la prison, de la mort contre cette dictature maléfique des ayatollahs arriérés.
Courage, vous ne regretterez pas !
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