Auteur / Salman Rushdie
lu pour vous par Rose-Lire
Très franchement, se plonger dans la lecture de cet impressionnant roman protéiforme n’est pas de tout repos : les références culturelles sont innombrables et certainement plusieurs allégories m’ont échappé mais quel plaisir quand j’ai reconnu des contes, des romans, des films ou des musiques dans ce grand jeu de piste qui nous mènera à la fin d’unmonde que nous connaissons.
Quichotte, le héros, de son vrai nom Ismaël Smile, est un professeur de littérature très érudit qui, à la suite d’un « Evènement Intérieur » (en fait un AVC), se trouve contraint d’abandonner son métier, passe ses journées devant la télévision et dévore toutes les émissions, films, séries, mais surtout animations, téléréalité, etc…
Et le voilà qui s’éprend d’une reine du petit écran, animatricecélèbre, Salma R, venue des Indes où elle a passé sa jeunesse, tout comme lui d’ailleurs qui a laissé là-bas sa famille avec qui il est brouillé.
Tel le héros de Cervantès, le voilà parti pour retrouver cette Dulcinée et faire de son mieux pour accomplir, en parcourant les Etats-Unis, des actions visant à retarder une fin du monde inexorable. Il part donc au volant d’une vieille voiture et en chemin s’invente un fils adolescent, Sancho, qui prend vie et avec qui il aura de longues conversations souvent cocasses. Ce fils, naïf et bien innocent au départ, va de temps en temps avoir quelques conciliabules avec un criquet posé sur le tableau de bord et qui lui donne de judicieux conseils…Ah ! Ah ! Sancho tient donc davantage de Pinocchio que de Sancho Panza…
Le décor est donc planté dans l’ère du « Tout peut arriver »,mais non ! Voilà que nous apprenons que ce Quichotte est la création d’un écrivain de seconde zone, Sam DuChamp, appelé fréquemment Brother, qui vient lui aussi des Indes. Brother a une sœur, Sister, personnage infiniment touchant vivant à Londres, un fils, Son, avec qui il ne s’entend guère, la même parentèle aux Indes que son personnage, et peu à peu leurs vies vont s’entremêler.
Ce roman est foisonnant et va être la description d’un monde en déliquescence avec une critique drôle mais profonde de trois pays que Salman Rushdie connaît bien.
- Les Etats-Unis, tout d’abord au racisme inébranlable pour les noirs bien sûr, les latinos mais aussi les Indiens (de l’Inde)…
- Les Indiens justement, avec leur mépris des femmes, leurs coutumes cruelles…
- L’Angleterre qui semble bien être le meilleur endroit et pourtant la suffisance des vrais anglais, la certitude d’être partout les meilleurs, montrent que certes les discriminations sont moins apparentes mais bien réelles et qu’ils ne seront pas non plus le peuple élu.
Car nous allons vers la fin du monde où nous serons piégés par la culture populaire que nous avons produite, paralysés par la stupidité, l’ignorance et le sectarisme.
Salman Rushdie, après « La maison Golden » qui mettait en accusation la finance, poursuit, dans ce conte, la dénonciation du règne de la discontinuité, des réseaux sociaux, des fausses vérités. Un roman visionnaire aussi car il a été écrit avant la pandémie !!!
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